Le petit d’homme arrive sur terre avec une intelligence motrice et sensorielle. C’est à dire que c’est par le corps et les organes des sens qu’il va découvrir le monde. Et contrairement, à ce que l’on pourrait penser, s’il a besoin de l’adulte, ce n’est pas pour que celui-ci lui montre comment faire mais pour lui assurer un cadre sécure dans une double dimension physique et psychologique.

Que veut dire un cadre sécure? Cela veut dire un environnement dans lequel, il peut déployer son mouvement spontané et sa créativité, un environnement physique, psychologique, émotionnel, affectif ajusté, en cohérence avec ses capacités physiques, psychologiques, émotionnelles et affectives. Autrement dit, un environnement adapté à ces capacités sensorielles. Trop de bruit, de mouvement, d’excitations sensorielles et d’imprévus génèrent du stress chez l’enfant. Et l’énergie qu’il dépense alors pour lutter contre ce stress n’est pas utilisée pour exploiter son potentiel créatif à des fins constructrices.

L’enfant a donc besoin que l’adulte soit présent à lui, mais pas nécessairement qu’il soit dans l’agir. Il a besoin qu’il porte sur lui un regard bienveillant (quoique tu fasses, je respecte ta personne), contenant ( tu peux me faire confiance, je sais que dans cet espace et dans ce temps, tu es en sécurité. Je te porte physiquement et psychiquement. C’est le “handling” et le “holding”, décrits par le pédiatre et psychanalyste Donald W. Winnicott; Donald W. Winnicott, La mère suffisamment bonne, Petite Bibliothèque Payot, 2008, 123 p. ), sécurisant (je veille sur toi, et j’interviendrai si ton intégrité physique et psychologique étaient menacées), confiant ( j’ai confiance en tes capacités et tes ressources), reconnaissant (je reconnais tes besoins), authentique (je suis en lien avec toi “pour de vrai”), ainsi l’enfant pourra être présent à lui-même, expérimenter, oser s’aventurer dans le monde, se construire.

Sur le plan émotionnel, l’enfant vit des émotions et des sensations qu’il ne sait, ni nommer, ni expliquer et qui peuvent parfois le déborder. Il est important alors que l’adulte l’accompagne dans ce vécu. D’abord, en l’autorisant pleinement, totalement, inconditionnellement à ressentir ce qu’il ressent! (Ne trouvons-nous pas désagréable, quand nous disons que nous avons peur et qu’on nous réponde: -” mais non, faut pas à avoir peur!”) et ensuite, en mettant des mots sur son ressenti.

Pour illustrer cet accompagnement de vécu émotionnel, prenons un exemple: Noémie, 20 mois tente de descendre seule, le trottoir, mais parce qu’elle contrôle encore mal ses mouvements, elle chute, pleure et très vite cherche le regard de sa mère. Certainement que cet évènement aura généré chez elle de la peur et de la douleur (peut-être pas beaucoup, mais peu importe la quantité, ce qui est important est la reconnaissance de l’émotion) Si sa mère intervient tout de suite et relève sa fille, Noémie n’a pas le temps de s’approprier ce qui se passe, au niveau émotionnel (la peur) et au niveau sensoriel (la douleur). L’émotion ne va pas être vécue, transformée, intégrée. Et si cette situation se reproduit fréquemment, Noémie enregistrera comme message: -“les trottoirs sont dangereux, je ne peux pas les descendre seule, j’ai besoin de ma mère pour le faire”.

En fait, quand Noémie cherche sa mère du regard, ce n’est pas tant pour être consolée que pour avoir une explication de ce qui se passe à l’intérieur d’elle. Noémie va lire et s’approprier le contenu de ce regard. Si elle lit de la peur, Noémie aura peur. Si elle lit de la reconnaissance et de la bienveillance, elle gardera confiance en elle. Et sa mère, non en prise dans sa propre émotion l’accompagnera par la mise en mots (-“Je vois que tu es tombée…Tu pleures parce que tu as eu peur et que tu as mal…Tu as le droit…Je suis là…prends ton temps pour te relever”, et une fois, Noémie debout: -“tu me montres ton genou, c’est là que tu as mal?…Veux-tu que nous nous fassions un câlin? Je mets ma main en même temps sur ton genou), et Noémie intégrera un tout autre message: -“j’ai le droit d’essayer de descendre les marches, j’ai confiance en moi, même si tomber fait peur et fait mal. La prochaine fois, je recommencerai, enrichie de cette expérience!”.

Donc, quand l’enfant vit une émotion, il est important de lui permettre de la vivre dans sa totalité et de “vider”, tout ce qu’il a à “vider”. Cela ne veut pas dire le laisser seul avec ce débordement émotionnel, cela veut dire s’approcher de lui, être en lien avec lui par le regard, mettre des mots sur ce qui vient de se passer et sur ce qu’il vit, et lui signifier que nous sommes disponible, s’il en a besoin et quand il en aura besoin, pour venir se consoler dans nos bras et refaire le plein de réassurance.

Et s’approprier pleinement une expérience fait grandir et rend autonome!

Doriane WEMAERE

Éducatrice de Jeunes Enfants

Animatrice à JeJoueMot’

A suivre la semaine prochaine quelques extraits d’une conférence de Peter Gray, chercheur et psychologue auteur de “libre pour apprendre”.